T'as-été-à-Tahiti-ou-t'as-quitté-Quito ?
J’avais promis d’écrire, je ne l’ai pas fait depuis plus de trois mois. Désolée. J’essayais de trouver le sens profond de mon existence. Ou, comme philosophiquement déclaré samedi soir avant de me diriger vers Revolver, « I’m gonna go figure out my life with a lot of alcohol. » (Plot twist : ça ne marche pas, je n’ai réussi qu’à agresser un pauvre autrichien qui a eu le malheur d’avouer qu’il utilisait Tinder alors même que, sur le coup de 3h du matin, l’éthanol conférait à mes propos une acidité notoire. Et mordante.) (En même temps, quand on utilise Tinder, mérite-t-on mieux ?)
Bref. Je n’ai rien écrit. J’étais occupée à revivre Shanda en accéléré – remplace la Tsintao par la Bar Beer. Occupée à rencontrer le monde entier et le quitter trois jours plus tard. Occupée à faire encore et toujours plus de lessive. Mon expertise dans le pliage des draps housses peut dorénavant faire figure de compétence sur ce compte LinkedIn que, soyons réaliste, j’ai un peu laissé en friche depuis ma douce époque « marketing digital ».
Je l’aime, cette auberge de jeunesse, théâtre de mes égarements professionnels et de ma confusion linguistique. Ce n’est sans doute pas pour rien si, bien qu’en possession d’un Master en management international et maîtrisant 3 langues et demi, je me retrouve à étendre des taies d’oreillers et plier des serviettes à longueur de journée. Je l’aime parce qu’on m’y a accueillie à bras ouverts, qu’on m’y a donné quelque chose d’utile à faire et qu’on m’a gentiment laissé me perdre et me retrouver de la cuisine à la salle d’études.
Je l’aime, cette île qui ne sait pas trop ce qu’elle est, un peu comme moi. Je l’aime et je ne la perds pas de vue, jamais. Mais je vais m’en éloigner. Je m’en vais pour un temps franchir d’autres mers. Après réflexions, il est probablement sain pour ma santé mentale que je m’éloigne de l’Asie quelques mois, avant de ne plus l’aimer, ou plus réalistement avant d’écrire un livre intitulé « Yellow Fever, ou comment Tinder va ruiner ta vie de meuf occidentale qui n’a pas de longs cheveux noirs soyeux » (C’est un long titre, on est d’accord).
Et puis on le sait, j’ai du mal à rester en place. J’aime l’idée d’un nouvel endroit, l’idée « d’emmagasiner » de nouveaux endroits. Quito ou Tahiti, ça sonne comme des promesses. Après tout, je ne cesse de répéter que je voudrais me remettre à l’espagnol. Et puis bien avant la Chine & assimilés, mon premier rêve de voyage fut la Polynésie, avec Teïva, enfant des îles. Les possibilités sont infinies, c’est enivrant. J’ai l’impression d’être un enfant qui fait tourner un globe, arrête son doigt au pif et déclare « j’irai là ».
J’irai là. A Tahiti ou en Equateur. Aux Vanuatu et en Islande. En stop sur la Route de la Soie, en Transsibérien sur le Baïkal ou en radeau sur le Danube. Sur les rives du lac Nam Tso et au sommet du Kilimandjaro. Sur la Road 66, la Panamericana et le chemin de Compostelle. Au sommet d’Elephant Mountain avec la vue sur 101. Au milieu de Tian’anmen avec Mao en arrière plan. Sur les bords du Yang Tsé Kiang, sur Quancheng Guangchang, dans la clinique de Surmang, à Commerce, à Sainte Anne, sous la Grosse Horloge, dans les galets du Guerzit, avec Teïva, Orongo et la Petite Tailleuse Chinoise, partout, tout le temps, j’irai là. Et puis après tout ça, je reviendrai à Montréal dans un grand Boeing bleu de mer. Tous ces endroits qu’il me reste à visiter. Tous ces projets qui tremblotent aux extrémités de ma pensée.
Faut être jeune.