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"When the lord made me, he made a ramblin' man"
11 juillet 2014

这是我的翡翠城

Il y a quelque chose d’indéfinissablement agréable dans le fait de n’habiter nulle part, même si ce n’est que pour un mois. Dans le fait de n’avoir pas d’adresse. Je ne suis plus à Chongqing, pas encore à Taiwan, je ne suis plus nulle part depuis le 1er juillet dernier, et balade mes 20 kilos de bagages de chambre d’hôtel en train couchettes, sans oublier les divers canap’, chambres d’amis et moitiés de lits. J’ai laissé ma dernière maison et n’en ai pas encore de nouvelle. Je me promène.

Quand mon avion a décollé de Chongqing, ça ne m’a pas rendue triste. Je suis partie au bon moment. J’avais pas mal d’amis, j’ai passé beaucoup de bons moments, mais je n’en étais pas encore au stade où l’on s’attache et où partir fait mal. Je suis partie satisfaite, contente de ces deux mois et demi sur les rives du Yang Tsé Kiang. J’en garderai un bon souvenir. Je peux désormais prononcer la phrase "Nan mais, vous savez pas ce que ça veut dire 'pimenté', vous..." sur un ton condescendant. Et je sourirai dorénavant à la vue d’un frisbee. La magie de Couchsurfing…

Quand mon avion a plongé dans l’épaisse couche de brouillard pour atterrir, par contre, mon cœur battait à 250 à l’heure. Jinan. Sortir de l’aéroport, monter dans la navette, avoir l’impression de savoir où l’on va. Monter dans un taxi et prononcer les mots magiques, répétés tant et tant de fois à l’époque où Jinan était la maison : "山大新校,南门儿"*. Me retrouver dans ce quartier était très bizarre et pourtant très naturel. Comme écouter une chanson que l’on adorait et que l’on n’a pas écoutée depuis longtemps. Comme remonter sur des skis ou un vélo après des années sans pratique et réaliser que l’on sait encore comment faire. On m’avait dit que Jinan avait changé. Tant mieux, car tout change. Le plus bizarre, en fait, ce n’est pas ce qui a bougé mais ce qui au contraire est resté pareil. Car dans ces choses là on ne voit que le passé. Jinan a changé, Jinan a bougé, mais Jinan est encore chez moi et le sera toujours. Car Jinan est probablement la seule ville au monde où, quelque soit la date à laquelle je m’y pointe, je me retrouverai à manger des fengwei qiezi et chanter du Brassens avec des québécois, des chinois et une américaine. Accent québécois & aubergines caramélisées : le duo gagnant, la base sur laquelle repose toute soirée jinanaise digne de ce nom, activité hautement extatique à laquelle j’aspirais fougueusement depuis deux ans et demi. (J’ai des valeurs bizarres mais chut.) Ces 48h m’ont fait beaucoup sourire, et m’ont rappelé à quel point les jinanais étaient adorables et bavards… J’avais oublié ce détail.

Comme pour souligner encore plus intensément la susdite adorabilité des jinanais, j’ai décidé d’enchaîner sur la ville de Chine où se trouve la plus grande concentration de relous râleurs au kilomètre carré. Shanghai, sa foule pressée, sa grisaille-mélasse et ses expatriés arrogants. J’aurais pu aller prendre des photos de Pudong depuis le Bund. J’aurais pu aller visiter le musée des affiches de propagandes. J’aurais pu aller me promener du côté de Xiaonanmen. Mais non. J’ai dépensé plein d’argent dans des fringues de secrétaire aigrie, j’ai accompagné Anaïs à l’hôpital pour une crise d’urticaire et j’ai cherché la réponse aux questions existentielles que sont : "Pourquoi le site LastMinute est-il une sale traînée ?" et "Combien coûte le kilo de bagage supplémentaire sur Mandarin Airlines ?", de l’aéroport de Pudong aux bureaux de China Airlines (dont l’hôtesse d’accueil n’a pas du avoir les meilleurs résultats à son gaokao). Autant d’activités réjouissantes qui me prouvent une fois de plus que si Beijing est merveilleuse, Shanghai est une pimbêche aigrie. Ceci dit, j’essaye de me forcer à passer quelques jours à Shanghai de temps à autres, ça me fait relativiser sur tout le reste de mon existence. Pour information, le kilo de bagage supplémentaire coûte 18 NTD. Quant à savoir pourquoi c’est tous des rats chez LastMinute, le suspense reste entier, mais je parierais pas une fortune sur les résultats au gaokao du créateur de ce site.

Au prochain épisode de mes pérégrinations : de Xiamen à Jinmen, la fin d’une ère chez les communistes et le début d’une autre on the free side of the detroit. Peut-être que dans l'épisode en question, mon banquier cessera d'être en vacances et répondra à mes mails. Mais rien n'est moins sûr.

* "Nouveau campus de Shanda, porte sud". Pour le titre de l'article, voir la chanson Les cités d'émeraude, de Syrano !

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Commentaires
S
Moi, je veux une photo de la secrétaire aigrie en train de se limer les ongles !
V
c'est toujours un vrai bonheur de te lire, je te situe sur la carte de chine . Prends bien soin de toi biz mamie
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